Bulle #5

Mardi 12 mai 2020 de 14h à 15h30

La terre crue : un matériau ancestral pour inventer l’avenir

Avec Dominique Gauzin-Muller

architecte et auteure

Animation : Céline Roos et Hélène Ludmann, associées, Scop les 2 rives

La redécouverte de l’architecture en terre crue, matériau utilisé depuis 10 millénaires, offre un regard optimiste sur un mode de construction écoresponsable.

Ses déclinaisons contemporaines sont porteuses d’une modernité frugale qui répond aux enjeux écologiques et sociaux. La ressource est abondante et souvent présente sur le site même du chantier. L’extraction et la transformation ne détruisent pas les paysages. Elles demandent peu d’énergie, ne nécessitent pas de processus chimique et ne produisent ni déchets ni pollution de l’air, du sol ou de la nappe phréatique.

Des centaines de bâtiments aux grandes qualités techniques et esthétiques émergent dans le monde entier, comme l’a montré le TERRA Award, et plusieurs exemples inspirants ont été réalisés en France, en particulier en pisé, briques et terre coulée.

Dominique Gauzin-Müller, architecte-chercheur française vivant à Stuttgart, a écrit 16 livres et créé plusieurs expositions sur l’architecture et l’urbanisme écoresponsables. Professeure honoraire de la chaire Unesco « Architectures de terre », elle enseigne dans plusieurs universités internationales. Elle a coordonné deux prix mondiaux : le TERRA Award 2016 sur l’architecture en terre crue et le FIBRA Award 2019 sur l’architecture en fibres végétales. Le Manifeste pour une frugalité heureuse et créative, qu’elle a lancé en 2018 avec Philippe Madec et Alain Bornarel, a déjà reçu 9 000 signatures.

Temps 1 : Une histoire de grains

Comprendre la construction en terre, c’est analyser les effets physiques des grains entre eux et leurs interactions avec l’air et l’eau. Les vidéos produites par le centre de recherche amàco (www.amaco.org) l’expliquent avec une grande clarté, et nous allons voir ensemble « Comment ça tient ? »

Temps 2 : Des techniques adaptées à la ressource

La terre offre une grande variété dans la granulométrie, qui a déterminé les techniques traditionnelles : bauge, adobe, torchis, pisé. C’est aussi l’emploi de la ressource locale qu’il faut favoriser aujourd’hui, pour les briques de terre comprimées (BTC) comme pour la terre coulée.

Replay du mardi 12 mai 2020

Temps 1 : Une histoire de grains - Comprendre la construction en terre

Partie 1/2 - 1 heure

Temps 2 : Des techniques adaptées à la ressource

Partie 2/2 - 45 minutes

Sur le fil de la Bulle...

Merci à Dominique Gauzin-Müller pour cette démonstration visuelle et spectaculaire des propriétés de la terre, des grains avec l’air et l’eau, et pour cette  balade architecturale inspirante, dans ce deuxième horizon qui nous invite à la frugalité, et à une reconnexion au vivant dans nos modes de concevoir et d’habiter.

Ce sujet est pour nous emblématique des enjeux forts de modèle de société qui nous anime. La réflexion sur le matériau et les technique de la terre nous permet à la fois d’embrasser les questions de la ressource, de travail à l’échelle locale, la question des savoir-faire et leur valorisation. Et aussi de s’interroger dans quelle dynamique économique et de co-construction on se place : favoriser le faire-ensemble et la rémunération de la main d’oeuvre, plutôt que les process industriels et la pétrochimie par exemple.

Et toujours dans la dialectique dont nous a aussi parlé Dominique Gauzin-Müller : regarder le passé pour penser le présent et le futur, comme toujours en matière d’innovation.

Nous avions envie pour conclure de vous partager un court extrait de l’ouvrage d’André Ravéreau, Le m’zab, une leçon d’architecture, un ouvrage de partage et de liens entre les époques et les cultures et dont la philosophie de la ville s’incarne dans ces Bulles.
Pour rappel, le M’Zab, est le nom de la vallée algérienne au coeur du Sahara dont le paysage a été créé au Xe siècle par les Ibadites autour de cinq villages fortifiés.
Il s’agit de morceaux choisis de la préface rédigée par Hassan Fathy, architecte égyptien, qui milita pour une urbanisation humaine, avec utilisation d’un matériau millénaire, la brique de boue, et la formation sur chantiers de paysans-maçons (ouvrage « Construire avec le peuple ») :

« Je vous comprends d’admirer l’homme qui a travaillé, au m’zab, avec ses propres mains. Il a lutté avec les matériaux, les contingences, avec sa culture. C’était un duel avec la matière, et lorsqu’il a résolu le problème : il avait créée la beauté.(…) La beauté d’une forme vient des forces conciliées pour la produire. Au m’zab, les formes concilient toutes les forces : sociales et techniques. L’équilibre de la société elle même s’y exprime.”

Un grand merci à nos participants qui ont animé le débat de leurs interpellations, réflexions & questionnements

*L‘histoire de l‘architecture en terre crue a environ 9 millénaires. Elle a
émergé pendant la révolution néolithique, quand les hommes ont commencé à se sédentariser et à construire leur maison. Trois techniques inventées alors sont toujours en usage aujourd‘hui: adobe, bauge, torchis.

*La terre est toujours le matériau de construction le plus utilisé ; env. 30% de la population mondiale vit dans des bâtiments en terre

*La terre crue en panneaux préfabriqués existe-elle comme c’est le cas pour la paille par exemple, notamment pour éviter les problématiques des temps de séchage et/ou de mise en œuvre éventuellement non homogène… ?

*Quid de l’érosion par la pluie et la tenue dans le temps ? Besoin d’adjuvants ?

*Comment malgré les différences de granulométrie et de taux d’humidité cela tient tout de même ?

*La maison de Martin Rauch en Autriche a des murs porteurs en pisé
de 3 niveaux (épaisseur 45 cm). Elle pourrait durer plus de 100 ans, mais comment ça tient ?

*Par rapport aux architectes, il faut également se dire que la terre a tous les avantages ( régulation de l’hygrométrie, inertie, acoustique…) pour être utilisée à l’intérieur ! Le seul inconvénient potentiel étant la vulnérabilité à l’eau, il ne nous semble pas forcément très logique de commencer par l’extérieur (doit-on toujours montrer qu’on fait de la terre?)

*Quels sont vos conseils pour inciter les particuliers à intégrer de la terre crue dans leur projet ?

*Combien de grains dans 1 m 3 de terre? 10 17 = 100.000.000.000.000.000 !

*Vu que la terre a beaucoup des avantages mais en Afrique il représente un matériau pour les  pauvres alors comment faire pour attirer les acteurs à s’intéresser à nouveau à ce matériau?

*Pourrait on parler des freins à la construction de bâtiments en terre ? La matière est abondante et peu onéreuse mais la mise en œuvre est longue (sauf si on fait du préfabriqué), perte de connaissance des entreprises et cela paraît démodé alors que c’est agréable à voir.

*Quel est le pourcentage d’air dans un tas de terre et un mur en pisé ? 50% et 30% ! Pour remplir les vides, il faut utiliser des grains de différentes tailles, de plus en plus petits.

*La plupart des personnes ont peur de construire en terre vis à vis de la vulnérabilité à l’eau alors qu’on remarque qu’en réalité les maisons en terre tiennent bien dans le temps ex de ma maison dans le nord Isère qui a  presque 200 ans il suffit d’un bon débord de toiture et ça tient bien dans le temps !

*Je pense qu’il faut encore plus insister sur le peu de CO² (énergie grise) à la production en ces temps de réchauffement climatique!

*La terre offre une possibilité de réemploi illimité en cas de déconstruction, si la terre n’est pas stabilisée

*Y a t il un classement des techniques en rapport avec la qualité de terres disponibles localement ?

*Quelle est la réglementation en terme de construction par rapport aux assurances?

*Avec peu de moyens aussi, on peut créer de la beauté et soutenir l‘identité locale

*Est-il intéressant d’associer la terre a une structure bois ? si oui dans quel cas ?

*Est-ce que nous pouvons réaliser des enduits terre sur n’importe quel support ? (avec des compositions/charges adéquat)? Sur des plaques de plâtres par exemple? …et aux inondations ?

*A-t-on des exemples de déconstruction de bâtiments en terre crue et donc du ré-emploi de cette terre ?

*Superbe video sur la bauge !

*Est ce que les lobbys de fabricants de matériaux conventionnels ont aussi un rôle dans le fait d’utiliser si peu fréquemment la terre ?

*Combien coûte un mur en terre ?
TERRE COULÉE : Env. 200 à 300 €/m 2 pour un mur porteur de 30 cm
PISÉ : 500 à 900 €/m 2 pour un mur porteur de 40 à 45 cm
BÉTON : 120 à 150 €/m 2 pour un mur porteur d’env. 20 cm d’épaisseur
Source: Martin Pointet 2020

*Quelles sont les différences entre béton et terre coulée?

*Magnifique matériau, comme si la terre se soulevait pour nous abriter

*Merci pour celle belle balade dans la terre et à l’air libre ! Merci à toutes les 3 pour ces transmissions riches de sens

Céline Roos & Hélène Ludmann, associées, Scop les 2 rives

Ressources partagées

Bibliographie des livres sur l’architecture en terre :

  • Hassan Fathy, « Construire avec le peuple », coll. La bibliothèque arabe, Sindbad, Paris, 1970
  • André Ravéreau, « L’Atelier du désert » (terre crue), Parenthèses, Marseille, 2003
  • CRAterre, “Traité de construction en terre », Parenthèses 3ème édition 2006
  • Otto Kapfinger, “Martin Rauch – Rammed earth”, Birkhäuser 2001
  • Otto Kapfinger, « Haus Rauch / The Rauch house », Birkhäuser 2011
  • Otto Kapfinger, Marko Sauer, “Martin Rauch – Gebaute Erde – Gestalten & Konstruieren mit Stampflehm » ou « Martin Rauch: Refined Earth: Construction & Design with Rammed Earth”, Birkhäuser 2015
  • Laetitia Fontaine, Romain Anger, « Bâtir en terre – Du grain de sable à l’architecture », catalogue d’exposition, Editions Belin 2009
  • Jean Dethier, « Habiter la terre », éditions Flammarion 2019
  • Anna Heringer, Lindsay Blair Howe, Martin Rauch, « Upscaling Earth », ETH Verlag 2019
  • Dominique Gauzin-Müller, « Architecture en terre d’aujourd’hui », éditions Museo 2017

Site Internet du terra-award

Architecture en terre d’aujourd’hui : les techniques de la terre crue – Amaco (BD présentées lors de la Bulle)

Conférence « Architecture en terre d’aujourd’hui », Dominique Gauzin Mullër, dans le cadre du colloque « Terra Award » – Amphi Cinéma, École Spéciale d’Architecture

Pour aller plus loin avec la Scop les 2 Rives

Pour poursuivre ces réflexions et autres exemples à l’appui, nous vous informons des prochains événements que nous organisons en lien avec ces sujets :

* en avril 2021, notre voyage d’études DDQE au Vorarlberg sur les pas de Martin Rauch, accompagnés par Dominique Gauzin-Muller, sur la thématique “Frugalité créative dans les territoires”.
Un territoire où la mobilisation des professionnels alliée à l’écologie et à une démarche éco-responsable ont permis de revitaliser cette région, vitrine de savoir-faire locaux combinés à l’innovation et à une esthétique créative et créatrice de valeurs.

*en formation à Lyon sur la construction terre crue avec Vincent Rigassi et Hervé Martineau à Lyon cet automne

*et très certainement une prochaine Bulle pour continuer notre voyage sur la terre 🙂  !

*& toujours la formation certifiante et labellisée DDQE , dans le cadre de laquelle nous programmons ces Bulles.

Vous pouvez retrouver les dates et lieux des formations dans notre agenda de la Scop les 2 rives, par ici !

Contacts

Scop les 2 rives
12 rue de St Cyr 69009 Lyon
& 15 avenue du Rhin 67100 Strasbourg
www.scop-les2rives.eu